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Réchauffement climatique et migrations forcées : le cas de Tuvalu

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Geremia Cometti

Introduction

Texte intégral

  • 1 MYERS N., 2005, Environmental refugees: An emergent security issue. Prague : document of the 13 th (...)
  • 2 BROWN O., 2008, Migration and Climate Change. Geneva : IOM, p. 10-12.

1Depuis 1990 déjà, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) affirme que le changement climatique risque d’avoir des répercussions sur les migrations humaines en provoquant le déplacement de millions de personnes. Norman Myers, de l’Université d’Oxford, estime que le changement climatique aura provoqué la migration de 200 millions de personnes d’ici 20501. En d’autres termes, 1 individu sur 45 sera forcé de migrer à cause du changement climatique. Notons en outre que le chiffre de 200 millions dépasse le nombre des migrants actuels dans le monde, lequel atteint 192 millions selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM2).

  • 3 Mieux connus sous le sigle anglais IDPs (internally displaced persons).

2Selon Walter Kälin, représentant du Secrétaire général des Nations unies pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays3, le changement climatique peut entraîner des migrations pour cinq raisons au moins :

  • l’augmentation des événements d’origine hydrométéorologique (ouragans, cyclones…) ;

  • la dégradation environnementale (désertification, élévation du niveau des mers…) ;

  • la perte de territoire considérable consécutive à l’élévation du niveau des mers (cas des petites îles) ;

  • le conflit armé causé par la diminution des ressources de base (eau, nourriture) ;

    • 4 KÄLIN W., Cit. in UNHCR (United Nations High Commissioner for Refugees), 2009, Climate change : Som (...)

    les décisions prises par les gouvernements d’interdire la construction d’habitations dans certaines zones considérées comme étant trop à risque pour les êtres humains4.

  • 5 LEAN G., 2008, « For the first time in human history, the North Pole can be circumnavigated », The (...)

3Les analyses de Norman Myers et de Walter Kälin illustrent comment le réchauffement climatique a des impacts sur les migrations sur notre planète et les aura aussi dans le futur. L’augmentation de 0,74º Celsius de la température moyenne depuis la fin du xixe siècle a déjà provoqué des changements écologiques importants, directement causés par les activités humaines sur la biosphère. Une des conséquences du réchauffement climatique est l’élévation du niveau de la mer. Il est intéressant de rappeler comme exemple emblématique que le 31 août 2008, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il a été possible de faire le tour du pôle Nord en bateau, à cause de la fonte des glaces5.

4Dans cette étude, je me concentrerai sur le cas de Tuvalu, un petit Etat polynésien formé de neuf atolls. Le point plus haut de Tuvalu se situe à 4 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer et, d’ici 2050, les neuf atolls pourraient disparaître des suites de l’élévation du niveau des océans. Cette situation pose de nombreux problèmes juridiques, dont le plus évident est qu’un Etat va disparaître pour la première fois dans l’histoire. Des Etats ont déjà disparu dans le passé à cause d’une annexion, d’une division ou d’une conquête, certes, mais jamais un Etat n’a perdu physiquement l’intégralité de son territoire.

5En outre, il ne s’agit nullement d’une question future, puisque l’élévation du niveau de la mer comporte aujourd’hui déjà des conséquences dramatiques pour un petit pays comme Tuvalu, qui se traduisent par l’augmentation des inondations. Cela veut dire que Tuvalu, avant même sa disparition, deviendra inhabitable et que les Tuvaluans seront obligés de quitter leur pays à cause de l’élévation de la mer.

6De nombreuses questions s’ensuivent de cette situation : de quels droits peuvent se prévaloir les Tuvaluans ? Quels droits possèdent l’Etat de Tuvalu ? Qui est responsable de cette migration forcée ? Quelle est la réponse de la communauté internationale devant ce problème toujours plus important ?

7L’objectif de cette étude est d’approfondir les enjeux et les conséquences du réchauffement climatique pour les habitants d’un petit Etat insulaire de l’océan Pacifique qui risque de disparaître du fait de l’élévation du niveau de la mer. Pour y parvenir, j’essaierai de faire ressortir les liens de causalité complexes entre les émissions de gaz à effet de serre, notamment le CO2, le réchauffement climatique, l’élévation du niveau de la mer et la migration forcée des habitants de Tuvalu. Le défi consiste à analyser cette migration forcée sous divers angles d’approche en mettant l’accent sur l’aspect juridique du problème.

8Dans les deux premiers chapitres, j’introduirai la question du réchauffement climatique, notamment l’effet de serre et l’élévation du niveau des mers, avant d’explorer dans le chapitre suivant les enjeux autour de la conceptualisation des migrations liées à l’environnement. Le quatrième chapitre sera consacré tout d’abord aux responsabilités historiques des pays industrialisés et à l’augmentation des inégalités résultant du réchauffement climatique ; seront ensuite abordées les théories relatives à la justice sociale dans une dimension globale pour souligner de façon théorique les responsabilités des pays industrialisés par rapport au réchauffement climatique. Dans le cinquième chapitre, je m’attacherai à la question du droit en analysant les solutions juridiques possibles pour Tuvalu et pour ses habitants. Enfin, dans le sixième et dernier chapitre, j’analyserai dans quelle mesure les instruments des droits de l’homme peuvent offrir une solution au problème des migrations forcées dues au réchauffement climatique.

Notes

1 MYERS N., 2005, Environmental refugees: An emergent security issue. Prague : document of the 13 th Economic Forum, Session III – Environment and Migration, p. 1.

2 BROWN O., 2008, Migration and Climate Change. Geneva : IOM, p. 10-12.

3 Mieux connus sous le sigle anglais IDPs (internally displaced persons).

4 KÄLIN W., Cit. in UNHCR (United Nations High Commissioner for Refugees), 2009, Climate change : Some basic documents, 2. Geneva : UNHCR.

5 LEAN G., 2008, « For the first time in human history, the North Pole can be circumnavigated », The Independent, 31 August.

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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